Procès des prothèses mammaires PIP

prothése pipLe procès du scandale des prothèses mammaires frauduleuses PIP ouvre ses portes mercredi à Marseille. Avec plus de 5000 plaignantes et 300 avocats, l'audience est hors-norme.

Un procès hors-norme

Le procès qui doit s'ouvrir ce matin à Marseille est à la mesure du scandale sanitaire qui l'a précédé. Cinq dirigeants de l'entreprise PIP sont jugés pour avoir produit des prothèses mammaires remplies d'un gel industriel non conforme, semant la panique chez d'innombrables porteuses dans le monde. Jusqu'au 17 mai, le tribunal correctionnel sera délocalisé dans un centre de congrès pour pouvoir accueillir les plaignantes et 300 avocats, promettant un procès d'une ampleur exceptionnelle - même s'il suscite déjà les critiques de certains avocats.
Plus de 5 100 porteuses d'implants PIP - des Françaises pour la plupart - ont porté plainte dans ce dossier ouvert pour «tromperie aggravée», qui concerne bien plus de femmes encore (30 000 porteuses recensées en France, selon les autorités sanitaires).
Elles sont encore plus nombreuses à l'étranger, la société, avant sa liquidation début 2010, réalisant 84 % de son chiffre d'affaires à l'export (surtout Amérique latine et Europe de l'ouest).
Pendant un mois les juges examineront comment la fraude s'est organisée, dix années durant, dans l'usine de la Seyne-sur-Mer (Var).
L'enquête des gendarmes, diligentée en 2010 après une visite de l'Afssaps, alertée par des chirurgiens sur les taux de rupture élevés affectant les prothèses, montrera que la société réalisait une économie d'un million d'euros par an.
Auditionné, Jean-Claude Mas l'a revendiqué haut et fort : «le gel PIP était moins cher». Pour lui, les femmes portent plainte «pour le fric», et ses prothèses n'étaient pas nocives.
Les tests pourtant montrent que le gel modifie leur durée de vie. En France, où le gouvernement a appelé à des retraits préventifs - et décidé leur prise en charge - la moitié des porteuses se sont fait retirer leurs implants : un quart d'entre eux étaient défectueux (rupture d'enveloppe, perspiration du gel). Avec à la clé, des effets irritants. Sans que rien n'indique un risque accru de cancer, soulignent les autorités, qui doivent lancer une enquête épidémiologique sur 10 ans.

Un prévenu principal provocateur

Au coeur de cette affaire, le fondateur et PDG de PIP, jean claude-MAS, accusé d'avoir concocté le gel de silicone non autorisé, au coût dix fois moindre que celui des aux normes. A 73 ans, il assume froidement les faits de tromperie qui lui sont reprochés. Il faut dire que l'homme est provocateur. En garde à vue, lorsqu'on lui demande ce qu'il ressent pour les victimes, il se contente d'un "rien". Jean-Claude Mas fonde la société Poly Implant Prothèse en 1991. Un an plus tard, le scandale du fabricant américain Dow Corning débouche sur l'interdiction du silicone aux Etats-Unis... et en France. Le silicone, bienvenue à l'hydrogel et au sérum physiologique. Cette nouvelle composition vaut à l'entreprise PIP plusieurs plaintes outre-Atlantique. En 2000, la société est bannie d'Amérique. Il cherche alors de nouveaux marchés et se tourne vers l'Amérique du Sud et l'Europe, entre autres.
Entre temps, le silicone est de nouveau autorisé en France. Jean-Claude Mas, pour des raisons purement financières, choisit d'utiliser des huiles de silicone industrielles au lieu du gel américain Nusil, seul homologué... Pour couvrir cette manipulation, il parvient à tromper les inspections du leader allemand de contrôle de qualité, TÜV.
En 2005, les ruptures de prothèses rattrapent le dirigeant. Il essaye un nouveau gel, modifie l'enveloppe des implants, envisage même de revenir au Nusil... En vain. PIP est dénoncé à l'Agence du médicament par les chirurgiens.