UN CANCER SUR SIX D’ORIGINE INFECTIEUSE

Cancers d'origine infectieuseLes spécialistes ont coutume de dire que les causes du cancer sont multifactorielles : génétiques, environnementales, comportementales. Mais les cancers peuvent aussi être causés par des virus et bactéries qui provoquent des infections. Moins connu, le cancer d'origine infectieuse est pourtant très répandu. Si l’on ne peut pas faire grand-chose contre la génétique, il est en revanche possible d’agir sur les trois autres facteurs. Or, si le grand public a pris conscience de l’action de l’environnement et de son mode de vie sur la pathologie, l’origine infectieuse est encore sous-estimée et peu prise en compte dans la prévention, affirment des scientifiques du Centre international de recherche sur le cancer (Circ) de Lyon dans une étude sur le sujet qui vient d’être publiée dans la revue britannique « Lancet Oncology » [1].

16% des cancers dus à une infection

Les chercheurs du Circ ont analysé les 12,7 millions de nouveaux cas de cancer recensés dans le monde en 2008. Et ils se sont rendu compte que les pathologies cancéreuses d’origine infectieuse représentaient plus de 16% des cas de cancer, soit un cancer sur six. Des cancers qu’il est possible de prévenir. « Une quinzaine de virus, bactéries ou parasites sont connus depuis longtemps pour être à l’origine de cancers, commente Catherine de Martel, l’un des auteurs de l’étude. Parmi tous ces agents infectieux, quatre causent à eux seuls 1,9 million de nouveaux cas de cancer chaque année, c’est-à-dire la très grande majorité des cancers d’origine infectieuse ». Il s’agit de la bactérie Helicobacter pylori (provoquant des cancers de l’estomac), des virus des hépatites B et C (cancers du foie) et de Papillomavirus (cancer du col de l’utérus, dit HPV).

Des traitements très simples existent

Pour les chercheurs, l'application des méthodes de prévention, pour la plupart très simple (vaccination, respect règles d'hygiènes, dépistage des virus...) permettrait d'éviter les cancers de ce type. Des traitements curatifs sont même très simples à appliquer contre la plupart de ces microbes. Ce qui veut dire en d’autres termes qu’avec les bons traitements, 1 cancer sur 6 dans le monde pourrait être évité, selon les chercheurs du Circ. Quant à Papillomavirus, il est facilement repérable si l’on fait un frottis régulier. Enfin des vaccins contre ce virus ainsi que celui de l’hépatite B sont commercialisés depuis plusieurs années (mais non obligatoires). « Les pays développés, dont la France, ont à leur disposition des moyens efficaces de prévention et de traitement des infections. Mais il faut encore lutter contre certaines réticences à la vaccination et insister sur l’indispensable dépistage du cancer du col de l’utérus », insiste le docteur de Martel. « Toutefois, dans les pays développés, note-t-il, les cancers attribués à Helicobacter pylori représentent encore 46% des cancers d’origine infectieuse, ce qui peut refléter une baisse des investissements dans la recherche ou la prévention pour le cancer gastrique par rapport à ceux du col de l’utérus ou des cancers du foie. »

Une répartition très inégale.

Il est à noter que les cancers d'origine infectieuse ne touchent pas de la même manière toutes les régions du globe. Dans les pays en développement, les cas de cancer par infection sont beaucoup plus importants que la moyenne (37% en Afrique subsaharienne contre 3,3% en Australie et 5% en France). Proportionnellement, ces types de cancer touchent une personne sur trente dans les pays développés contre une sur trois dans les pays en développement.Pour le Dr Christopher Wild, directeur du CIRC : "Cette étude met en évidence la nécessité de fixer des priorités de lutte contre le cancer au plan national et régional, à la lumière du fardeau des cancers d’origine infectieuse, tout notamment dans les pays à revenu faible et intermédiaire." Les cancers d'origine infectieuses, dont les hépatites B et C, touchent plus particulièrement les personnes précaires, migrants et usagers de drogues. Elles touchent trois fois plus de personnes que le VIH avec un demi-million de personnes infectées, dont la moitié ignore qu'elle l'est.Source : leparisien.fr[1] Catherine de Martel, Jacques Ferlay, Silvia Franceschi, Jérôme Vignat, Freddie Bray, David Forman and Martyn Plummer (2012) Global burden of cancers attributable to infections in 2008: a review and synthetic analysis. In : The Lancet Oncology, Early Online Publication, 9 May 2012. doi:10.1016/S1470-2045(12)70137-7.